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Écrit par François Parrain

(Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012)

Avant la loi du 25 juin 2008, la durée de la période d’essai dépendait uniquement de la Convention collective applicable à l’entreprise.

La loi de 2008 est venue poser des durées maximales selon le statut des salariés (article L 1221-19 du Code du travail).

  • de deux mois pour les ouvriers et les employés
  • de trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens
  • de quatre mois pour les cadres


La faculté de renouvellement n’est pas automatique (contrairement, à ce qu’on pense souvent) et suppose qu’un accord de branche étendu le prévoit, mais également que cette faculté de renouvellement soit mentionnée dans le contrat de travail. La loi prévoit qu’en cas de renouvellement, les durées précitées sont doublées. Jusqu’ici tout est simple.
Cependant, la loi du 25 juin 2008 a prévu 3 exceptions aux règles qu’elle pose :

  • de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après le 26 juin 2008
  • de durées plus courtes fixées par le contrat de travail ou la lettre d’engagement

Et…

  • de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008

 


Si les deux premières exceptions sont classiques en droit du travail (la norme de rang inférieur peut déroger à la norme supérieure dans un sens plus favorable au salarié), la troisième était plus originale.

La conséquence est que certains accords de branche continuent à prévoir, malgré la loi, des durées de période d’essai considérablement plus longues que les maximums posés par le code du travail. En apparence, ces accords de branche respectent la loi puisque celle-ci autorise qu’on y déroge. Il reste que le juge judiciaire français est amené de plus en plus à appliquer les conventions internationales pour trancher les litiges qu’on lui soumet.

Ainsi, dans une décision du 4 juin 2009, la Cour de cassation a condamné la période de « stage probatoire » d’un an prévue par la Convention collective du Crédit agricole au regard de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) :

« Attendu qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée ;

(…)

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 10 de la convention collective du Crédit agricole qui prévoit une période de stage probatoire de douze mois n'est pas compatible avec les exigences de la convention n° 158 de l'OIT, la cour d'appel a violé ladite convention internationale ; » (Soc. 4 juin 2009 n°08-41.359, FS P+B+R)

Près de 3 ans plus tard, c’est au tour du secteur de la Convention collective du Commerce de gros à prédominance alimentaire de faire les frais de cette analyse.

L’article 2 de l’annexe « Cadres » de la cette C.C.N. prévoyait – il a été modifié depuis - la possibilité d’une période d’essai de 6 mois renouvelable une fois pour 6 mois, en cas « d’accord particulier » des parties.

Ainsi, un directeur de magasin Champion pouvait, comme dans cette affaire, être révoqué sans motif pendant une durée de 12 mois.

La Cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts en considérant que la durée de sa période d’essai était conforme à la Convention collective qui, elle-même, pouvait déroger valablement à la loi puisque conclue avant le 26 juin 2008.

La Cour de cassation casse en considérant, comme dans sa décision de 2009 :

« Qu'en statuant ainsi alors qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d'essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an, la cour d'appel a violé la convention internationale susvisée ; » (Soc. 11 janvier 2012, n°10-17945, Publié au Bulletin).

De telles périodes d’essai existent encore dans quelques accords de branche.

Les deux arrêts de la Cour de cassation sont suffisamment clairs pour que, sauf niveau de poste extraordinairement élevé (et encore), les entreprises ne prennent pas le risque d’imposer des périodes d’essai aussi longues.

Corrélativement, les salariés dont le contrat est rompu en fin d’une telle période d’essai ont, manifestement, de bonnes raisons de contester la rupture de leur contrat.

 

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François Parrain
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