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Écrit par Frédéric Brazier

Reprise des cours après le déconfinement : faut-il l’accord des deux parents (séparés ou pas ?)

 

Le gouvernement a annoncé la réouverture des écoles maternelles et des écoles élémentaires à partir du 11 mai et la réouverture des collèges à partir du 18 mai.

Les parents, séparés ou pas, s’interrogent sur la reprise de l’école pour leurs enfants.

Comme le gouvernement et les autorités ont indiqué que la reprise des cours était facultative et laissée à la discrétion des parents, il leur appartient de prendre la responsabilité d’envoyer ou pas leurs enfants à l’école dès la fin du confinement.

Que fait-on si l’un des parents souhaite faire reprendre l’école à ses enfants et que l’autre ne le veut pas ?

Dans le cadre d’une autorité parentale conjointe, le Code Civil fait la distinction entre les actes usuels qui ne nécessitent pas l’accord des deux parents et les actes non usuels qui, à l’inverse, nécessitent que les deux parents soient d’accord.

 

En substance, les actes non usuels sont des actes qui revêtent une certaine gravité ou qui ont un caractère inhabituel.

Il n’existe pas de véritable définition de l’acte non usuel.

 

En réalité, ils sont décrits en opposition aux actes usuels qui sont des actes sans grande gravité de la vie quotidienne.

Le Code Civil, en son article 372-2, pose comme principe une présomption d’accord en cas d’accomplissement par un seul parent d’un acte usuel : « A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ».

Pour être clair, si un parent décide seul d’accomplir un acte usuel relatif à l’enfant, l’autre parent sera présumé avoir donné son accord.

Attention, la présomption ne s’applique qu’à l’égard du tiers de bonne foi.

 

Pour reprendre notre sujet de retour à l’école, si le tiers, à savoir le directeur d’école, est informé du désaccord qui existe entre les parents, alors la présomption de bonne foi tombe, et le retour à l’école si on considère qu’’il s’agit d’un acte usuel, ne pourra être se faire.

Toutefois le retour à l’école dans des circonstances si particulières peut il être considéré comme un acte usuel ?

 

Comme la loi ne définit pas l’acte usuel et l’acte non usuel, il faut se tourner vers les décisions de justice.

Sont des actes non usuels qui exigent l’accord des deux parents : L’inscription dans un établissement scolaire, les décisions qui impliquent des frais relatifs à l’inscription de l’enfant dans un établissement privé, le changement d’établissement….

  • Pour l’inscription d’établissement privé : Cour d'Appel de VERSAILLES, 26/06/2014 ;
  • Changement d’établissement : Cour d'Appel de VERSAILLES, 26/10/2016.

 

A l’inverse, la jurisprudence estime que sont des actes usuels qui ne nécessitent pas l’accord des deux parents :

  • La réinscription dans un établissement scolaire que fréquentait déjà l’enfant : Cour d'Appel de PARIS, 9/07/2015,
  • L’autorisation d’effectuer des sorties scolaires.

 

Pour ces actes usuels, un des parents est présumé le faire avec l’accord de l’autre, si naturellement, le tiers est de bonne foi.

Mais le cas inédit d’un retour à l’école après une période de confinement pour cause de coronavirus naturellement n’a pas encore été tranché par les tribunaux.

On pourrait penser, compte tenu des risques éventuels que peut faire courir à l’enfant et à son entourage le retour à l’école, qu’il s’agisse d’un acte non usuel nécessitant l’accord des deux parents.

C’est nous semble-t-il ce que devrait juger les tribunaux s’ils étaient saisis.

Il paraîtrait prudent pour les chefs d’établissement de s’assurer de l’adhésion des deux parents pour le retour en classes.

Toutefois il est probable que ces derniers n’en auront ni les moyens ni le temps.

En résumé si les parents sont en désaccord ou si l’un deux procède au retour en classes sans avertir l’autre, il appartient au parent opposant d’avertir la direction de l’établissement de son désaccord et de s’en ménager la preuve (mail, LRAR), la reprise scolaire ne pourra alors pas se faire.

En tout état de cause il est préconisé d’avoir recours à un avocat ou à un médiateur pour tenter de mettre en place une solution amiable ou, en dernier recours, saisir le Juge aux Affaires Familiales en initiant une procédure à bref délai compte tenu de l’urgence.

Le juge saisi, en application du fondamental critère de l’intérêt de l’enfant, prendra en compte la situation effective de l’école et les dispositions prises par l’établissement, la sante de l’enfant et ses antécédents médicaux ….et tout autre argument que les parents ne manqueront pas de développer.

 

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Frédéric Brazier
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